L’ail noir, la nouvelle pépite culinaire qui réveille vos plats . . .  un aliment parfait pour bousculer ses recettes classiques

Par: Ulla Majoube
publié sur L’Express.fr le 23/03/2019

L’ail noir est un produit qui allie curiosité gastronomique et bienfaits nutritionnels. Un aliment parfait pour bousculer ses recettes classiques.

L’ail noir n’est plus l’apanage des chefs et des épiceries coréennes ou japonaises. Désormais, on trouve cette version fermentée de l’ail blanc dans les étals des supermarchés. Ses avantages sont nombreux, comme son goût moins fort et sa digestion plus facile.

Fanny et Stéphane Boutarin, producteurs d’ail français dans la Drôme, ont tout juste mis en vente leur deuxième récolte d’ail noir. “On s’est penchés sur le sujet il y a quatre ans, explique Fanny Boutarin. Nos voyages sont décidés en fonction des variétés d’ail que l’on peut découvrir. Quand on a goûté l’ail noir, ça a été une révélation : on avait pourtant le produit de base, mais nous n’avions jamais pensé à le transformer. C’était comme si on avait des vignes, mais qu’on ne savait pas faire du vin !” À l’époque, seul un autre producteur d’ail noir existait en France : Laurent Girard, à Billom (Puy-de-Dôme). Aujourd’hui ils sont cinq.

“L’ail noir japonais est la référence absolue, notamment car ce sont les chefs japonais qui l’ont fait venir ici”, ajoute Fanny Boutarin. La petite histoire raconte que l’ail noir serait né grâce à un pêcheur, parti plusieurs semaines en mer. Cette légende se perpétue comme une étape incontournable de la préparation de l’ail noir, même si peu de producteurs utilisent de l’eau de mer pour transformer les gousses.

Des notes de réglisse, de champignon ou de vinaigre balsamique

En bouche, selon l’origine, il peut être très sucré ou proche d’un vinaigre balsamique, du réglisse. Certains ont des notes de champignons, de vin fortifié ou de pruneau. Son goût évolue aussi en fonction de son âge, comme un fromage. Mieux vaut l’envisager comme une épice. Une gousse -ou une demie- d’ail noir peut aromatiser un mijoté de poulet ou de veau. Une soupe de potimarron ou de courge s’allie parfaitement avec. Et l’été venu, quelques petits morceaux sur des tranches de tomates avec de l’huile d’olive sont un délice, l’ail noir remplaçant le vinaigre balsamique. Ou en copeaux fin sur du fromage, comme une tomme ou un chèvre. Sans oublier les alliances sucrées, notamment avec le chocolat.

À l’image du vin, la réalisation de l’ail noir connaît “plusieurs temps et chacun peut être ajusté en fonction de ce que l’on veut obtenir”, prévient Fanny Boutarin. Tout commence par une tête d’ail normale, de préférence d’un gros calibre. Il faut utiliser de l’ail blanc ou rose, “car le violet est trop chargé en allicine [l’un des principaux composants de l’ail, qui s’active quand le bulbe est broyé ou coupé] et conserve trop le goût d’ail au final.” Pour le transformer en ail noir, il faut opérer un processus de fermentation précis : plusieurs semaines dans un environnement à température constante -entre 60 et 90°C- et à forte humidité -80 à 90%, voire dans de l’eau de mer.

Près de trois mois de préparation pour obtenir de l’ail noir

“L’hygrométrie joue sur la texture finale, tandis que la température modifie le goût”, décrypte la Drômoise, qui modifie quant à elle les températures trois fois “pour maîtriser les saveurs”. Sous l’effet de la caramélisation des glucides contenus dans les gousses, ces dernières noircissent, alors que l’extérieur demeure blanc. Il faut ensuite une période d’affinage de 30 jours et 20 jours de séchage pour la conservation. Soit près de trois mois en tout.

Fanny Boutarin, membre du Collège culinaire de France, a discuté avec des chefs, testé plusieurs recettes et intégré l’incubateur de l’Isara de Lyon (Institut supérieur d’agriculture Rhône-Alpes). “Après les premiers essais, j’ai obtenu une cacahuète”, s’amuse-t-elle. Car tout dans le processus doit être calculé. Les conditions climatiques de la production d’ail jouent également. Ainsi, le cru 2017 des Boutarin est réglissé et torréfié, après un printemps sec, alors que celui de 2018 a une saveur plus légère et fruitée, après une météo inverse.

Comme pour un vin, il y a des régions et des qualités différentes

Autre souci de taille : la conservation. “L’ail noir contient 70% d’humidité, qu’il faut maintenir”, rappelle la productrice. Pas question donc de les laisser à l’air libre ou de les enfermer dans du carton, qui serait trop absorbant. Beaucoup optent donc pour le plastique. “On voulait poursuivre notre démarche engagée, donc on a opté pour une boîte de fleur de sel artisanale. Mais on met les gousses sans la peau dans des verrines, car elles doivent être complètement protégées.” Surtout, ne jamais mettre l’ail noir au frais, car “ça fige les arômes” et peut rendre le produit “astringent”.

Si les papilles sont convaincues, le corps devrait également en profiter. L’ail noir procure les mêmes bienfaits -nombreux bien que modestes- que la version blanche, à savoir que sa consommation contribue à réduire le taux de lipides sanguins et la tension artérielle, et à améliorer la circulation sanguine grâce à ses effets anticoagulants. Sans oublier l’action antibactérienne. La fermentation permet d’en faire un aliment anti-oxydant. Cependant, les études existantes sont principalement coréennes, et leurs résultats sont contestés car leur financement est flou.

Reste l’importance du produit de base. “C’est vraiment comme le vin, décrit Fanny Boutarin. Il y a des régions différentes, des cépages variés et des qualités inégales.” Ainsi les prix varient entre 3 et 12 euros la tête. On trouve de l’ail noir d’Espagne, du Maroc, de Chine, des États-Unis… Pour reconnaître ceux de France -environ 10 euros la tête-, il suffit de les observer : “l’ail de la Drôme ne possède pas de bâton au centre de la tête.” De quoi passer du blanc au noir.

Parue en ligne sur: L’Express.fr

Article par: Ulla Majoube

publié le 23/03/2019

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